Musée virtuel du Canada

Miguasha : De l'eau à la terre (Le parc national de Miguasha)

Un monde disparu

Les fossiles ont longtemps intrigué les humains qui les ont interprétés de toutes sortes de façons.Molaire du mastodonte américain Mammut americanumIcône de loupe(64 ko) Pour certains, le Créateur s’était permis un peu de fantaisie en décorant les pierres, alors que pour d’autres, ils étaient des traces du déluge biblique. Ceux qui y voyaient les restes d’organismes aujourd’hui disparus se frappaient à la désapprobation des autorités religieuses qui imposaient une création unique du monde naturel. Certains allaient même jusqu’à croire que les fossiles étaient l’oeuvre du diable dispersée dans les strates rocheuses pour ébranler les croyants.

L’idée selon laquelle des espèces fossiles ont existé, ou ’’espèces perdues’’ selon l’expression d’abord utilisée en France par Georges-Louis Leclerc Buffon (1707-1788), fait son chemin pendant la seconde moitié du 18ème siècle. Au début du siècle suivant, pour le paléontologue et fondateur de l’anatomie comparée, Georges Cuvier (1769-1832), l’existence de nombreuses formes éteintes n’impliquait pas nécessairement celle d’évolution. Comme Buffon et plusieurs autres, il rejetait le transformisme que proposait Jean-Baptiste-Pierre Lamarck (1744-1829), militant pour l’hypothèse, déjà en vogue depuis quelques dizaines d’années, d’un certain nombre de créations successives séparées par autant d’extinctions globales.

Mais à ce moment, les découvertes géologiques se succédaient et les descriptions de mondes disparus s’accumulaient. Il fallait donc multiplier les créations. Les paléontologues Friedrich August von Quenstedt (1809-1889), en Allemagne, et Alcide d’Orbigny (1802-1857), en France, en comptèrent jusqu’à 27 ! Il y aurait donc eu 26 "mondes disparus" avant le nôtre...

La Terre du Dévonien, telle que les paléontologues réussissent à la reconstituer aujourd’hui, serait entrée, il y a deux siècles, dans cette catégorie des "mondes disparus". Elle était en effet drôlement différente de notre planète actuelle. Non seulement les espèces vivantes qui l’habitaient n’étaient-elles pas les mêmes qu’aujourd’hui, non seulement le climat était-il tout autre, mais même vue de l’espace, elle aurait été méconnaissable.

La Terre n’a pas été une succession de mondes disparus et recommencés. Elle a été, et est encore, un monde en changement graduel, mais perpétuel, dont l’apparence a été constamment refaçonnée.

Molaire du mastodonte américain Mammut americanum

Titre : Mammut americanum
Auteur : Parc national de Miguasha
Sources : Parc national de Miguasha
Année : 2007

Description :
En 1740, le baron de Longueil, de retour d’un voyage en Amérique, rapporte à la cour de France les restes d’un étrange animal, trouvés le long de la rivière Ohio: un fémur, une défense et des molaires dont celle illustrée ici. À la suite de nombreux débats, le naturaliste Buffon déclare en 1778 qu’il s’agit bien des restes d’une «espèce perdue». Le concept de fossile naît ainsi à partir d’une espèce nord-américaine apparue il y a 3,75 millions d’années et éteinte il y a 10 000 ans environ. Spécimen original conservé au Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris.