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Miguasha : De l'eau à la terre (Le parc national de Miguasha)

Erik Jarvik et le prince de Miguasha

En 1892, le paléontologue américain Edward Drinker Cope, surtout célèbre pour sa chasse intensive aux ossements de dinosaures, a été le premier à décrire l’ossature de la nageoire d’Eusthenopteron foordi et à y voir les équivalents osseux du squelette des membres des tétrapodes.

Au parc de Miguasha, Eusthenopteron foordi porte le surnom de Prince de Miguasha. C’est que non seulement l’animal est-il important dans l’évolution des vertébrés et dans la compréhension de celle-ci, mais il est en grande partie responsable de la notoriété mondiale qu’a acquise le site fossilifère tout au long du 20e siècle.

Erik Jarvik et Marius ArsenaultIcône de loupe(48 ko)Des chercheurs de toutes les provenances ont étudié Eusthenopteron, mais les Suédois occupent une place toute particulière dans l’histoire de ce poisson. Le professeur Erik Jarvik, en particulier, a consacré une soixantaine d’années de sa vie à étudier ce poisson et a publié des descriptions au réalisme et à la précision inégalés. Non seulement le squelette est-il bien connu, mais également des détails comme la forme du cerveau, la disposition des principaux nerfs et vaisseaux sanguins, les points d’insertion des muscles, etc.

Tout ce savoir est presque entièrement imputable à un seul spécimen, le fameux P.222, acquis par le Swedish Museum of Natural History de Stockholm. Découvert lors du dynamitage destiné à la construction du quai de Miguasha, le spécimen fut acquis par les Suédois auprès de Joseph Landry pour la somme de 50$ CDN et acheminé en Suède en 1925.

Modèle de cire d’Erik JarvikIcône de loupe(48 ko)Les chercheurs de Stockholm furent emballés par l’incroyable préservation de ce spécimen. Long de 53 cm, son corps était encore bien rond et la tête, quasi complète, à l’exception d’un petit bout du museau. En enlevant les écailles en surface, ils purent voir l’ensemble du squelette interne parfaitement en place dans sa gangue de pierre. N’eut été de sa texture pierreuse, l’aspect de ce spécimen aurait pu s’apparenter à un poisson fraîchement décédé.

Le fameux spécimen P-222Icône de loupe(40 ko)Erik Jarvik et son mentor, Erik Stensiö, décidèrent d’étudier l’intérieur du crâne de ce spécimen exceptionnel pour en révéler tous les détails en utilisant la méthode des coupes sériées. La méthode consista à user le spécimen couche par couche, en enlevant 0,2 mm de fossile à chaque fois, et de dessiner la surface exposée à chaque couche. De polissage en polissage, cette méthode fit graduellement disparaître tout le crâne. Mais à la fin, les 530 dessins obtenus permirent de reconstituer la tête en trois dimensions avec de la cire et d’en étudier les moindres détails, autant en surface qu’à l’intérieur.

Les 25 ans de travail sur le spécimen P.222 ont permis de connaître la morphologie de l’endocrâne d’Eusthenopteron, ses arcs branchiaux, tous les os de son palais, ses capsules nasales, etc. Un des détails anatomiques importants révélés par l’étude du P.222 se situe au niveau du museau. Les coupes sériées de Jarvik permirent de constater que les deux capsules nasales, petites cavités à l’intérieur du nez, étaient reliées au milieu extérieur par les narines externes, mais qu’elles s’ouvraient aussi sur l’intérieur du palais par des narines internes. Des orifices identiques, appelés choanes, sont présents chez les fossiles des tétrapodes primitifs. La présence de telles choanes chez Eusthenopteron confirme un peu plus les liens de parenté qui unissent ce sarcoptérygien aux vertébrés terrestres.

Les investigations sur l’espèce se continuent. Le travail de Jarvik se poursuit en utilisant les nouvelles méthodes d’investigation qu’apportent les scanners, des méthodes non destructrices qui permettent de conserver les spécimens intacts.

Plus de 200 articles ont été publiés sur cette espèce par des chercheurs de partout. Tous ces travaux ont fait d’Eusthenopteron le vertébré fossile dont l’anatomie est la mieux connue.

Interview avec Eric Jarvik

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Description de l’image
Docteur Erik Jarvik marche sur la berge et répond aux questions d’une journaliste.

Journaliste
J’aimerais que vous nous disiez ce que vous ressentez à vous trouver ici, plusieurs années après vos travaux sur Eusthenopteron?

Dr Erik Jarvik
Oui… J’ai souvent rêvé de revenir ici, de revoir ce merveilleux endroit d’où provient le poisson auquel j’ai consacré une grande partie de ma vie, soit presque 50 années!

Je ne croyais pas pouvoir récolter des fossiles ici, parce que je faisais partie d’un groupe de 100 personnes cherchant toutes des poissons rares. Mais en 1922, on pouvait trouver de beaux spécimens ici; cela n’est plus possible de nos jours. Mais j’aimerais bien marcher le long de cette baie jusqu’au bout, ça fait 13 kilomètres, je crois. C’était merveilleux de voir tous ces poissons venant de… Je ne venais pas pour récolter des fossiles ici, mais simplement pour marcher. C’était splendide!

Journaliste
En avez-vous trouvé?

Dr Erik Jarvik
Non, je n’ai rien récolté. Je n’ai pas cherché parce que nous avons plein de fossiles ici.

Journaliste
Pourquoi Eusthenopteron est-il important pour vous?

Dr Erik Jarvik
Dans un certain sens, Eusthenopteron est remarquable, puisqu’il extrêmement bien conservé. On peut voir toute son anatomie interne et sa tête, et ainsi en retracer l’évolution. On peut le comparer aux animaux modernes et faire des parallèles avec l’homme et la femme à plusieurs égards. Par conséquent, c’est un poisson fossilisé qui est réputé pour son excellente conservation. Cela est très important.

Journaliste
Merci beaucoup Professeur!



Erik Jarvik et Marius Arsenault

Titre : Erik Jarvik et Marius Arsenault
Auteur : Parc national de Miguasha
Sources : Parc national de Miguasha
Année : 1991

Description :
Marius Arsenault et Erik Jarvik qui tient un crâne d’Eusthenopteron foordi, lors du 7e Symposium international sur l’étude des vertébrés inférieurs de Miguasha en 1991. Même si le Professeur Jarvik a consacré sa vie à l’étude de ce poisson fossile qu’il a rendu célèbre, il n’a pu toucher au tombeau de l’Eusthenopteron que lors de cet évènement.

Modèle de cire d’Erik Jarvik

Titre : Modèle de cire d’Erik Jarvik
Auteur : Marius Arsenault
Sources : Marius Arsenault
Année : 2005

Description :
Modèle de cire des cavités et canaux de l’intérieur du neurocrâne de l’Eusthenopteron foordi. Ce modèle a été réalisé par Erik Jarvik à partir de la technique des coupes sériées sur le fameux spécimen P-222. Ce travail s’est échelonné sur une période de 25 ans! L’original est conservé au Swedish Museum of Natural History de Stockholm en Suède.

Le fameux spécimen P-222

Titre : Le fameux spécimen P-222
Auteur : Parc national de Miguasha
Sources : Parc national de Miguasha
Année : 2003

Description :
Le fameux spécimen P-222 de l’Eusthenopteron foordi, avant que son crâne ne soit détruit par la technique des coupes sériées. Erik Jarvik avait déjà enlevé des écailles pour mettre à jour la colonne vertébrale. L’image montre une réplique du spécimen réalisée par le maître mouleur Hiromi Maruo, à partir d’un moulage original conservé au National Science Museum de Tokyo au Japon.