La notion de temps en géologie

À la fin du 18ème siècle, la quête scientifique de l’âge de la Terre a gonflé les voiles de la géologie naissante et a permis son essor. Mais les premiers géologues, principalement européens, se sont heurtés aux dogmes des Religions du Livre, en particulier du Christianisme. Selon les Écritures, la Terre avait été créée en six jours et avait tout au plus quelques milliers d’années...

Observant la lenteur de l’accumulation des sédiments au fond des plans d’eau et le temps nécessaire à leur compaction en roche, les géologues de cette époque ont réalisé que notre planète, avec toutes ses roches sédimentaires, devait plutôt être âgée de millions (Ma), voire de milliards d’années (Ga). Des durées si considérables que le cerveau humain arrive difficilement à les appréhender.

Il y a un milliard...

• de secondes: les premiers ordinateurs personnels font leur apparition (1975). C’est la naissance d’Apple et de Microsoft et le début de l’ère informatique.
• de minutes: Jean terminait la rédaction de son évangile.
• d’heures: les Néandertaliens commençaient à enterrer leurs morts dans l’actuel Proche-Orient.
• de jours: en Afrique, les Homo habilis débutaient la fabrication d’outils plus perfectionnés que ceux des Australopithèques.
• de mois: les derniers grands dinosaures régnaient sur la Terre.
• d’années: la vie se résumait à des bactéries et à des plantes pluricellulaires

(48 ko)À défaut de pouvoir dater exactement la Terre et les roches, les géologues britanniques ont commencé à classer les différentes couches sédimentaires selon leur ancienneté respective. Ce faisant, ils ont inauguré la stratigraphie, discipline qui étudie la succession des couches géologiques. Elle se base sur quelques principes, dont deux essentiels: une même couche sédimentaire a le même âge sur toute son étendue (principe de continuité) et, en l’absence de bouleversements structuraux, une couche est toujours plus récente que les couches d’en dessous et plus anciennes que les couches du dessus (principe de superposition).

L’étude d’une falaise, par exemple, permet de voir des couches sédimentaires anciennes à sa base et plus récentes à son sommet. Les géologues ont rapidement remarqué que les assemblages de fossiles n’étaient pas les mêmes d’un niveau stratigraphique à l’autre, donc qu’ils variaient dans le temps. Par exemple, le massif montagneux du Jura en Europe contient des fossiles de l’époque où les sédiments s’y sont déposés. Lorsqu’on trouve des fossiles semblables ailleurs, on peut supposer qu’ils sont du même âge et on les qualifie de jurassiques. Des fossiles différents dans des couches géologiques plus ou moins élevées dans la stratigraphie réfèrent à des époques différentes. Par recoupement entre différents sites fossilifères, on a ainsi pu les ordonner les uns par rapport aux autres et donner des noms aux époques. Ainsi sont nées l’échelle des temps géologiques, représentation de l’histoire de la Terre, et la biostratigraphie, méthode de datation relative élaborée à partir de la succession des archives fossiles.

Cette datation a pu être précisée par l’avènement dans les années 1950 de méthodes dites radiométriques, fondées sur la ’’durée de vie’’ des éléments radioactifs des roches, et qui ont permis de chiffrer l’âge des limites entre les différentes époques. On sait par exemple que le Jurassique a commencé il y a environ 200 Ma et s’est terminé 55 Ma plus tard. On parle maintenant de ’’datation absolue’’, qui donne un âge en années, par opposition à la ’’datation relative’’ fournie par les fossiles, qui indique seulement si une roche est contemporaine, plus récente ou plus ancienne qu’une autre.