À Miguasha, il arrivait parfois quun poisson meure le ventre plein. Des spécimens fossiles ont en effet été retrouvés avec leur dernier repas encore visible à lintérieur du corps.
(100 ko) Ces trouvailles insolites renseignent bien sûr sur les proies préférées de certains prédateurs, mais donnent aussi des informations sur lanatomie de leur système digestif.
En terme de contenu stomacal, la recherche a permis didentifier des poissons entiers dans la cavité abdominale de prédateurs. Ainsi, cas dexception, un
Homalacanthus de 19 cm a été décrit dans le ventre dun
Eusthenopteron de 46 cm. Avalée tête première, la proie faisait 40% de la longueur du prédateur, ce qui donne une indication de lampleur de la dilatation que pouvait atteindre son tube digestif. Impossible cependant de savoir si la mort du prédateur est due à cette ingestion gargantuesque!
Certaines espèces ne semblaient pas hésiter à manger leurs congénères plus petits. Ainsi, un
Cheirolepis a été retrouvé avec un autre
Cheirolepis dans labdomen, alors que deux
Eusthenopteron ont aussi été observés dans le corps de deux de leurs semblables plus gros. Sûrement parmi les plus vieux cas de cannibalisme chez les vertébrés...
Quant au poisson dipneuste
Scaumenacia, il se nourrissait principalement de petits invertébrés, comme en témoigne la présence, parfois par milliers, du petit crustacé
Asmusia, la seule espèce à avoir été trouvée dans son tube digestif.
Même en labsence de contenus stomacaux, les traces des conduits du système digestif sont parfois visibles chez les agnathes
Euphanerops et
Endeiolepis. Chez plusieurs individus de
Bothriolepis, le système digestif rempli de sédiments sest conservé sous forme de moulage. Ayant la bouche en position ventrale, cet animal filtrait la boue sur le fond de lestuaire pour se nourrir. Le fait de mourir le ventre plein de sédiments a contribué à la fossilisation du parcours de son intestin. Les moulages internes, observables en sectionnant certains spécimens, montrent les spirales concentriques typiques de lintestin des requins actuels, considéré comme la morphologie primitive des gnathostomes, les poissons à mâchoires. Les fragments de plantes trouvés dans un cololithe de
Bothriolepis - restes intestinaux pétrifiés, des mots grecs
kôlon, intestin, et
lithos, pierre - constituaient probablement une partie de sa diète.