Voici un des fossiles vedettes de Miguasha,
Bothriolepis canadensis. Présent par milliers dans la falaise, le "fossile aux allures de tortue" est facilement reconnaissable, aussi bien des spécialistes que des amateurs, adultes ou enfants.
(36 ko) Cest dailleurs le premier vertébré fossile mentionné par Abraham Gesner qui, dans son rapport de 1843, annonce la découverte du site de Miguasha. Sauf quà ce moment, il le confond avec une tortue...
On connaît une centaine despèces fossiles différentes de
Bothriolepis, dispersées un peu partout sur la Terre. Mais celle de Miguasha, par le grand nombre de spécimens et la qualité de préservation, est la mieux connue et sert en quelque sorte de modèle pour lensemble de ces espèces.
(104 ko)Les fossiles de
Bothriolepis sont généralement constitués des plaques robustes qui entouraient sa tête et son thorax, de même que ses nageoires effilées non conventionnelles qui se rattachaient à la partie arrière du crâne. Le plus souvent, seule cette partie antérieure fortement ossifiée de lanimal est conservée.
La plupart de ces carapaces osseuses ont été plus ou moins écrasées par le poids des sédiments qui constituent leur sépulture. La découverte de quelques spécimens 3D non déformés a révélé une nouvelle image de ce poisson, dans un format beaucoup plus bombé quil était perçu auparavant. Conséquence non négligeable, il est maintenant vu comme un poisson qui regardait en avant plutôt que vers le haut. De tous les
Bothriolepis, lespèce
B. canadensis est la seule qui montre à loccasion la partie postérieure non minéralisée de son anatomie.
(76 ko)Certains individus fossilisés semblent même en mouvement dans la roche, avec des populations qui ont été surprises et emprisonnées de leur vivant par larrivée soudaine de sédiments associée à de petits évènements catastrophiques. Cet enfouissement soudain, lié à des conditions physico-chimiques propices à la conservation, a fourni nombre de spécimens exceptionnels qui permettent de connaître plusieurs détails de lanatomie interne. Un si grand nombre de spécimens permet également de retracer toutes les phases de la croissance de cet animal, à partir dindividus juvéniles de moins de 2 cm, jusquà de gros individus âgés, dont la seule carapace osseuse - tête et thorax - atteignait 23 cm de longueur.
Au début du siècle précédent, le paléontologue américain William Patten découvrait un lit très riche en
Bothriolepis orientés pour la plupart de façon parallèle, avec la tête dans la même direction. Un bel exemple dune population qui a résisté un moment à un courant mortel. Au tout début des années 1940, des sections à travers plusieurs de ces spécimens ont montré que des traces dorganes internes avaient été conservées sous forme de moulages. Pour certains de ces organes, cest le sédiment qui les a envahis pendant lenfouissement qui a moulé leur contour, dans dautres cas, cest le sédiment que lanimal avait ingéré en se nourrissant dans la vase qui permet den suivre le tracé.
(40 ko)Létude des spécimens de Patten a permis de délimiter la position des principales cavités internes de lanimal, de la cavité pharyngienne située à lintérieur de la tête, jusquà lappareil intestinal dans le thorax. Les structures internes du thorax sont fortement suggestives dun intestin à valves spiralées, très semblable à celui des requins actuels.
Le découpage de spécimens a de plus mené à une hypothèse étonnante selon laquelle
Bothriolepis était muni de poumons. Cette hypothèse est fondée sur la présence supposée de deux sacs internes qui semblent en connexion avec la cavité pharyngienne. Fort controversée, la présence de ces sacs, de ces supposés poumons, vient dêtre confirmée par un spécimen 3D qui sest ouvert dans le sens de la longueur. Lon sait également que la paroi de ces organes énigmatiques était irriguée par un réseau de vaisseaux sanguins qui convergeait vers le centre de lanimal, là où était situé le cœur. La trace délicate de ces vaisseaux sanguins apparaît nettement sur la surface ventrale de lintérieur du thorax de deux individus. Il se pourrait quà la mort de lanimal, le fer contenu dans son hémoglobine se soit oxydé et quil ait pigmenté les sédiments adjacents.
(128 ko)Combien despèces de
Bothriolepis à Miguasha? En 1924, une deuxième espèce de
Bothriolepis fut décrite à Miguasha. Baptisée alors
B. traquairi, le seul spécimen, officiellement assigné, indique une espèce plus élancée que la forme
canadensis typique. Une population de
Bothriolepis dont lallongement des spécimens rappelle lespèce nommée en lhonneur du paléontologue écossais Ramsey Heatly Traquair, a été découverte dans un lit de grès rougeâtre de la Formation dEscuminac. Le matériel non décrit de ce niveau semble confirmer la présence dau moins deux espèces de
Bothriolepis à Miguasha.